Bases théoriques de nos jeux
Le nom de notre association parle d'attention visuo-spatiale
Chez l’enfant, l’arbre peut cacher la forêt, c’est-à-dire que l’attention visuelle est focalisée sur les détails (et empêche la perception globale simultanée de symboles graphiques complexes).
L’adulte, quant à lui, voit d’abord la forêt (précédence de la vision globale, Poirel et al 2008) ce qui l’amène parfois à se tromper sur le nombre d’arbres ou leur position relative (par exemple, le mot poison peut être lu poisson, le mot patrie peut être lu partie).
L’association développe des jeux pour s’entraîner à voir à la fois la forêt et les arbres qui la constituent.
L'attention visuo-spatiale dans les troubles des apprentissages
Dans de nombreux cas de retards ou de troubles des apprentissages, les confusions persistantes de l’orientation et de l’ordre des lettres, la perception partielle et imprécise des configurations spatiales des lettres (Vialatte et al 2023), des schémas géométriques (Pisella et al 2020) et des mots (trouble de l’empan visuo-attentionnel : Valdois et al 2008, 2012, 2019), ainsi que des relations spatiales entre la main et les repères visuels de la feuille, freinent les acquisitions de la lecture, de l’écriture, des mathématiques, de la dextérité manuelle.
Beaucoup d'apprentissages fondamentaux dépendent de la perception visuo-spatiale des symboles graphiques qui est altérée chez environ la moitié des enfants présentant des troubles dys (Pisella et al 2020, 2021).
Nos jeux ont été conçus pour permettre :
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un dépistage précoce des troubles visuo-spatiaux et visuo-attentionnels chez des élèves présentant des retards ou des troubles des apprentissages
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un entrainement précoce, spécifique et renforcé, de ces compétences d’analyse des dimensions et des relations spatiales nécessaires à l’acquisition de la lecture et de la géométrie, de l’écriture et plus généralement de la dextérité manuelle sous contrôle visuel et du raisonnement spatial.
L'attention visuo-spatiale dans le développement du langage écrit (lecture, écriture)
Le langage écrit est une invention culturelle récente dans l’histoire humaine et le cerveau ne dispose pas à la naissance de réseaux neuronaux spécifiques pour traiter les symboles graphiques c’est-à-dire analyser, reconnaître et reproduire les configurations spatiales précises des figures complexes que sont les lettres, les séquences de lettres, et les mots … (Valdois, Habib, Cohen 2008, Valdois 2020).
Contrairement au langage oral dont les aires cérébrales sont précablées et qui s’acquiert de façon implicite, le langage écrit nécessite un apprentissage actif et explicite. Son enseignement est assez laborieux, il s’étend sur plusieurs années et nécessite de longues heures de pratique. Il en faut pour développer des aires cérébrales dédiées !
La perception simultanée de la pointe du stylo et des repères visuels de la feuille, et l’analyse précise de leurs relations spatiales, sont également des processus neurovisuels essentiels pour guider le geste de la main. La perception visuo-spatiale conditionne ainsi la vitesse et la précision des gestes sous contrôle visuel (Pisella et al 2020, 2021).
Parfois, des difficultés persistent jusqu’à un âge avancé : confusions de lettres miroirs (b/d) et autres lettres visuellement proches, de l’ordre des lettres, de voisins orthographiques… Ces difficultés limitent la fluence de lecture en ralentissant la reconnaissance des mots ou en menant à des erreurs (« lectures devinettes »).
Aux dernières évaluations nationales de CP (2023) un tiers des élèves montraient des difficultés persistantes pour la reconnaissance visuelle de lettres. Si les temps d’identification de lettres passent de 88 à 48 millisecondes en moyenne entre le CP et le CM2, l’hétérogénéité entre élèves reste inchangée avec des enfants qui ont encore besoin de plus de 100 millisecondes en CM2 pour identifier une lettre isolée (Bosse et Valdois 2009). Des études ont montré que ces habiletés de reconnaissance visuelle et aussi d'exploration en condition de présentation multiple sont des pré-requis pour l'apprentissage de la lecture et l'amélioration de la fluence (Zoubrinetsky et al 2019, Vernet et al 2022, Vialatte et al 2023b, Valdois et al 2024).
Après des années de conception et d'échanges d'expériences auprès d’élèves et de patients, l’association propose des jeux pédagogiques destinés à exercer les habiletés visuo-perceptives de traitement des symboles graphiques et à automatiser l'exploration oculaire et attentionnelle des séquences de lettres. Nos jeux s’adressent à tous les enfants de maternelles et de CP (cycle 1), ainsi qu’aux enfants de cours élémentaire dans le cadre de remédiations. Ils correspondent aux nouveaux programmes du Bulletin Officiel de l’Education Nationale 2024 (BOEN 2024), qui préconisent « des situations d’apprentissage dès la PS, courtes, structurées et répétées quotidiennement » pour « découvrir les lettres, leur nom, leur forme » et posent l’objectif d’acquisition de la différentiation des lettres miroir et autres lettres visuellement proches, et de l’ordre des lettres avant le CP.
Nos jeux ont vocation à remplacer les usages actuels pour plus d’efficacité
Le travail de reconnaissance des lettres est peu mené par morphologies proches, souvent plutôt lettre par lettre. Or, un travail explicite sur la décomposition en traits des lettres permet de mettre en évidence les composantes graphiques communes, « en prenant des indices (mêmes signes limités, permanents, alignés, normés) » (BOEN 2024).
Pour la distinction de lettres miroir, le principal travail qui est mené en maternelle est réalisé avec des images d'objets ou d'animaux, ou des formes géométriques pleines et colorées, ce qui ne permet pas de transférer aux lettres pour 2 raisons :
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D’abord parce que travailler avec des formes pleines et connues ne permet pas de développer les processus neurovisuels de traitement des symboles graphiques qui nécessitent d’appréhender spécifiquement les combinaisons de traits (Vialatte et al 2023a)
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Ensuite il est spécifié dans le BOEN 2024 que l’enfant doit comprendre qu’« il ne s’agit pas de dessins mais de lettres ». En effet, les lettres et les chiffres, contrairement aux objets ou animaux, sont des formes orientées avec une configuration spatiale précise (les lettres miroirs changent d'identité selon leur orientation)
Pour le repérage spatial (« apprendre à épeler, composer un mot en respectant l’ordre des lettres », BOEN 2024)
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Il est nécessaire de développer des stratégies du regard (Mazeau & Dalens 2024). Ce travail est souvent réalisé avec des objets et/ou des couleurs (algorithmes séquentiels) et parfois même dans des espaces non structurés (pas en lignes: jeux du lynx). Or, un enfant à l'aise avec des couleurs ou des images ne le sera pas forcément avec des lettres !
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La perception de l’ordre dans une séquence de lettres nécessite des aptitudes de traitement visuel simultané spécifiques des symboles graphiques (eux-mêmes nécessitant un traitement simultané des traits constitutifs de chaque symbole, Valdois et al 2012, Vialatte et al 2021a,b, 2023a) qui ont besoin d’être entrainées.
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De plus, travailler directement sur des séquences de lettres en s’appuyant sur le nom des lettres et sur l’explicitation du sens de lecture permet à la fois de distinguer les lettres miroir et l’ordre des lettres.
Bibliographie :
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Mazeau M, Dalens H. Neurovision chez l'enfant et troubles des apprentissages ; Éditeur, Elsevier Masson (22 mai 2024) ; Langue, Français ; Broché, 320 pages ; ISBN-10, 2294786521.
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Pisella L, Vialatte A, Martel M, Prost-Lefebvre M, Caton MC, Stalder M, Yssad R, Roy AC, Vuillerot C, Gonzalez-Monge S. (2021) Elementary visuospatial perception deficit in children with neurodevelopmental disorders. Dev Med Child Neurol. 63(4):457-464. https://hal.science/hal-03008937v1
Poirel N, Mellet E, Houdé O, Pineau A (2008) First came the trees, then the forest: developmental changes during childhood in the processing of visual local global patterns according to the meaningfulness of the stimuli. Developmental Psychology 44: 245–253. https://cnrs.hal.science/hal-03956892
Valdois S, Habib M, Cohen L. Le cerveau lecteur : histoire naturelle et culturelle. Revue Neurologique (Paris). 2008; 164 Suppl 3:S77-82.
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Valdois S, Lassus-Sangosse D, Lallier M, Moreaud O, Pisella L (2019) What bilateral damage of the superior parietal lobes tells us about visual attention disorders in developmental dyslexia. Neuropsychologia, 130:78-91 https://hal.science/hal-02150810v1
Valdois S L'apprentissage de la lecture. Neurosciences Cognitives Développementales, De Boeck supérieur, pp.129-151, 2020 https://www.researchgate.net/publication/345808077_L'apprentissage_de_la_lecture
Valdois S, Zaher A, Meyer S, Diard J, Mandin S. Effectiveness of Visual Attention Span Training on Learning to Read and Spell: A Digital‐game‐based Intervention in Classrooms. Reading Research Quarterly, 2024, .1002/rrq.576. https://hal.science/hal-04681829
Vernet M, Bellocchi S, Leibnitz L, Chaix Y , Ducrot S (2022) Predicting future poor readers from pre-reading visual skills: A longitudinal study Appl Neuropsychol Child 11(3):480-494. https://hal.science/hal-03102987v2
Vialatte A, Yeshurun Y, Khan AZ, Rosenholtz R, Pisella L. (2021) Superior parietal lobule: A role in relative localization of multiple different elements. Cerebral Cortex 31(1):658-671. https://hal.science/hal-03053744v1
Vialatte A, Chabanat E, Witko A, Pisella L (2023a). Toward the characterization of a visual form of developmental dyslexia: reduced visuo-attentional capacity for symbols. Cognitive Neuropsychology: 1-28. https://hal.science/hal-04253594v1
Vialatte A, Aguera P-E, Bedoin N, Witko A, Chabanat E, Pisella L (2023b) Enhancing reading accuracy through visual search training using symbols. Scientific Reports, 13(1):4291. https://hal.science/hal-04237384v1
Reilhac C, Peyrin C, Démonet JF, Valdois S. Role of the superior parietal lobules in letter-identity processing within strings: FMRI evidence from skilled and dyslexic readers. Neuropsychologia. 2013; 51(4):601-12. https://hal.science/hal-00861977
Zoubrinetzky R, Collet G, Nguyen-Morel MA, Valdois S, Serniclaes W. Remediation of Allophonic Perception and Visual Attention Span in Developmental Dyslexia: A Joint Assay. Front. Psychol. 2019; 10 https://www.frontiersin.org/journals/psychology/articles/10.3389/fpsyg.2019.01502/full
Liens médias :
Les troubles visuo-spatiaux :
https://www.youtube.com/watch?v=ge4vai1EehA
https://www.youtube.com/watch?v=-VQB0nWo7-I&t=251s
https://www.cartablefantastique.fr/la-dyspraxie/quest-ce-que-la-dyspraxie/dyspraxie-et-geometrie/
La dyslexie visuo-attentionnelle:
https://istr.univ-lyon1.fr/istr/actualites/journee-scientifique-istr

En effet, les neurosciences ont montré le rôle du lobule pariétal supérieur dans les processus neuro-visuels de traitement des figures complexes inconnues (Lobier et al 2012, Reilhac et al 2013, Valdois et al 2019, Vialatte et al 2021, Vialatte et al 2023a), comme les lettres en début d'apprentissage et chaque mot nouveau. Ces processus de perception visuo-spatiale simultanée permettent de combiner traitement local et global (voir les arbres ET la forêt) et d’analyser les relations spatiales entre les éléments d'une figure complexe (configurations spatiales des traits constitutifs des symboles graphiques, et des lettres dans les mots). Au niveau du développement du cerveau, le cortex pariétal (voie visuelle dorsale) est essentiel pour la spécialisation, au sein de la voie de reconnaissance des objets (voie visuelle ventrale), d'une aire cérébrale de traitement de la forme visuelle des mots (VWFA) dans l’hémisphère gauche (Moulton et al 2019). Cette dernière va établir des connections particulières avec le réseau pré-existant du langage oral.
Tiré de Valdois 2020
Focus sur l'écriture
Un peu d'histoire
Au paléolithique on voit apparaitre de l’art pariétal, mais quelques grottes montrent déjà les signes d’une proto écriture (succession de points) comme à Lascaux.

L’apparition de l’écriture, présente vers 3 300 ans avant notre ère, est soumise à la présence d’un état organisé avec des institutions politiques et religieuses. La sédentarité a engendré des communautés humaines de plus en plus importantes. La gestion de ces communautés a donné naissance à cet outil de l’écriture.
L’écriture revêtait alors, d’une part un caractère sacré, apanage d’un clergé qui, selon le contexte, signifiait une porte sacrée ouvrant sur les mystères du monde (égyptiens) ou encore permettait de voir les secrets de la terre et du ciel (chinois).
La complexité du commerce et de l’administration dépasse les capacités de mémorisation de l’homme . L’écriture devient un moyen plus fiable d’enregistrement et de conservation des transactions. L’écriture revêt alors un caractère pragmatique qui marque l’évolution des sociétés en instituant des hiérarchies, des règles, permettant également les échanges
commerciaux. Elle devient une extension de la mémoire.
L’écrit a engendré une évolution (voire une révolution) technologique dans l’histoire de l’humanité. L’humanité a alors franchi le seuil de la préhistoire pour basculer dans l’Histoire.
Un long processus d’automatisation d’une acquisition spécifique qui se reflète au niveau du cerveau
Chez l’adulte, la production écrite est une activité motrice automatisée. L’écriture est fluide et rapide car la production de chaque lettre repose sur l’activation préalable d’une mémoire procédurale connue sous le terme « programme moteur » ou « carte sensori-motrice ». L’écriture engage à la fois des processus cognitifs de nature centrale comme la gestion des contenus sémantiques, la syntaxe et l’orthographe, mais aussi des processus périphériques responsables de la réalisation du mouvement. Contrairement à la parole, l’acquisition de ces mécanismes centraux et périphériques requièrent bien plus que le bain linguistique. L’acquisition du langage écrit nécessite un apprentissage formel, long et coûteux dispensé, en France, à l’école dès la maternelle. Au début de cet apprentissage, le geste est lent et dysfluent. L’effort que les jeunes apprentis scripteurs dispensent pour produire la forme et la taille correcte de chaque lettre accapare la grande majorité de leurs ressources attentionnelles et mnésiques. Progressivement, au cours du développement, l’écriture devient plus fluide et plus rapide. Chez les scripteurs experts, l’écriture est régulière, stable et automatisée. L’effort pour produire la trace écrite est réduit. Les processus attentionnels et mnésiques sont principalement dévoués aux processus rédactionnels et orthographiques.
L’apport des psychologues et des neuropsychologues a permis, grâce à l’étude comportementale d’individus avec et sans lésion cérébrale, d’étoffer notre compréhension des processus d’écriture. La nature intentionnelle de l’écriture en fait un mouvement à part. Mais l’intention ne suffit pas, il faut qu’elle soit suivie d’une série de processus préparatoires qui vont s’activer de façon coordonnée et permettront la réalisation du geste d’écriture. La phase préparatoire du geste démarre par l’activation du programme moteur de la lettre à tracer. Viviani (1994) considère le programme moteur comme « une structure abstraite, stockée dans le cortex, correspondant à un geste particulier, qui spécifie les rapports topologiques et séquentiels entre ses composantes ». De façon récurrente, les études sur la production de l’écriture manuscrite font référence à cette notion car elles partent du principe que la réalisation d’une lettre requiert l’activation préalable d’une représentation motrice de la séquence de mouvements à exécuter pour la tracer. Actuellement, il est admis que l’unité de traitement du programme moteur pour l’écriture est la lettre (Zesiger, 1995). Chez l’enfant, elle serait de l’ordre du trait en début d’apprentissage et passerait progressivement à la lettre entière avec la pratique et le développement cognitif et neuromusculaire (Séraphin-Thibon et al, 2018 ; Lambert & Espéret, 2002; Zesiger, 1995).
L’écriture fait l’objet d’une localisation cérébrale spécifique, située au niveau cortical dans le gyrus frontal supérieur gauche (pour une revue de questions, voir Planton & Kandel, 2017). Roux et al. (2009) l’ont appelée la Graphemic Motor Frontal Area (GMFA) et elle est distincte de la région corticale responsable de la gestion de la motricité de la main. Par exemple, les tâches de dessin activeraient de façon bilatérale les hémisphères cérébraux, les tâches d’écriture activeraient plus spécifiquement la zone frontale localisée au niveau de la GMFA (Planton et al, 2017).

Le rôle de la forme mémorisée dans le guidage de l’écriture :
Pour tracer une lettre nous activons le programme moteur correspondant à la forme de la lettre stockée en mémoire et nous adaptons notre geste en fonction des contraintes spatio-temporelles de la situation dans laquelle nous souhaitons réaliser son écriture. Viviani et Terzuolo (1980, 1983) ont par exemple mis en évidence que les caractéristiques spatiales globales de l’écriture étaient conservées quelles que soient la vitesse d’exécution et la taille de la production du geste. En général, ces régularités ne sont pas enseignées de manière explicite lors de l’acquisition de l’écriture, mais il peut être intéressant de les expliciter clairement lors de l’initiation de l’enfant au geste du tracé de lettres. Plusieurs auteurs font référence à ces règles qui définissent l’ordre et la direction des mouvements du tracé sous le terme « grammaire de l’action ». L’écriture en cursive est en effet ponctuée par des mouvements discrets, identifiables, définis par un début et une fin, parmi lesquels certains mouvements sont exécutés en l’air. Pour passer d’un mot à l’autre ou encore revenir à la ligne, la pointe du stylo doit s’élever. Ainsi, les lettres cursives sont formées par des mouvements coordonnant des juxtapositions de courbes, boucles, traits, cercles, mais aussi par d’autres mouvements comme ceux permettant de tracer les barres aux t ou encore de positionner les accentuations.
Le rôle de la vision dans le guidage de l’écriture :
Dans la production de l’écriture, la vision guide la localisation de la main, le positionnement des doigts sur le crayon et la trace écrite sur la feuille. Elle permet, entre autres, l’agencement des lettres les unes par rapport aux autres et les mots sur la ligne. Ce sont les expériences visuelles qui permettent d’établir les connexions neuronales nécessaires pour ce contrôle soit opérationnel et contribue au bon déroulement du mouvement d’écriture (Bullinger, 2004 ; Graven, 2004 ; Hubel, 1994). Ainsi les capacités de fixation, de poursuite oculaire, de discrimination visuo-spatiale, par exemple, interagissent et s’élaborent en harmonie avec le développement moteur général de l’enfant (Niessen, 2000).
On considère que chez les scripteurs experts, le mouvement d’écriture serait dépendant de deux, modes de contrôle. Le premier mode de contrôle dit « pro-actif » ou en « boucle ouverte » est à mettre en lien avec le programme moteur (Schmidt & Lee, 2005 ; Van Galen, Teulings & Sanders, 1994;). Ce programme est une représentation de la forme de la lettre, l’ordre et la direction des segments (« stroke ») la constituant. L’activation de cette composante morphocinétique s’effectuerait avant sa réalisation effective. Le deuxième mode de contrôle, dit « rétro-actif » ou en « boucle fermée », dépend des retours sensoriels et informe sur les données topocinétiques (composantes spatiales relatives à la localisation de la trace écrite). L’automatisation des gestes d’écriture requiert le passage progressif d’une stratégie de contrôle à dominance balistique (5-6 ans) vers une stratégie de contrôle essentiellement basée sur la rétroaction (7-8 ans), puis à celle associant pro-action et rétroaction (9-10 ans) (Meulenbroeck & Van Galen, 1986, 1988 ; Zesiger, 1995).
En matière d’écriture, le retour visuel de la trace produite permet donc au scripteur de localiser et corriger ses erreurs. Deux types de contrôle évoluent de concert dans le tracé d’écriture (Smyth & Silvers, 1987 ; Teasdale et al, 1993 ; Teulings, 1996 ; Van Galen et al, 1994). Le premier contrôle visuel permet une organisation du mot dans l’espace plan. Le deuxième contrôle visuel, partagé avec les retours proprioceptifs, assure la production de la forme, de l’ordre et du nombre de traits à produire (Smyth & Silvers, 1987). Chez les adultes, les composantes morphocinétiques des lettres sont déjà intégrées et le contrôle visuel s’attache plutôt à corriger les erreurs d’orientation ou encore d’ajustement comme pour les points sur les i ou les barres aux t . Chez l’enfant, le contrôle visuel de la main rend possible des stratégies d’organisation permettant une meilleure adaptation aux contraintes de la production. Les résultats de l’expérience menée par Chartrel et Vinter (2006), ont révélé que l’absence d’information visuelle faisait augmenter la vitesse, la longueur de la trajectoire et la pression. La détérioration du feedback visuel altère les paramètres de commandes motrices. Chez les scripteurs novices, la proprioception vient en complément de la vision. Le flux d’informations issues de toutes les perceptions, est intégré en un tout cohérent.
Bibliographie dans l’ordre d’apparition :
Viviani, P. (1994). Les habiletés motrices. In M. Richelle, J. Requin, & M. Robert (Eds.), Traité de Psychologie Expérimentale (pp. 777-857). Paris : PUF.
Zesiger, P. (1995). Ecrire : Approches cognitive, neuropsychologique et développementale. Paris : Presses Universitaires de France.
Séraphin Thibon, L., Gerber, S. & Kandel, S. (2018). The elaboration of motor programs for the automation of letter production. Acta Psychologica, 182, pp. 200-211. doi.org/10.1016/j.actpsy.2017.12.001
Lambert, E., et Espéret, E. (2002). Assemblage des unités traitées par les processus graphomoteurs et orthographiques au début de l’apprentissage de l'écriture. Revue de Psychologie de L’éducation, 7(Janvier), 76–97.
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Roux, F.-E., Dufor, O., Giussani, C., Wamain, Y., Draper, L., Longcamp, M., & Démonet, F., (2009). The graphemic/motor frontal area Exner's area revisited. Annals of Neurology, 66(4), 537-545.
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Bullinger A. (2004). Le développement sensorimoteur de l’enfant et ses avatars, RamonvilleSaint-Agne, Érès.
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Niessen, F. (2000). Diagnostique et traitement du strabisme chez l’ancien prématuré. Médecine et thérapeutique /pédiatrie, 3(4), 287-92.
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